Tristement célèbres pour leur capacité à déchaîner les passions et à alimenter les débats, les réseaux sociaux ne cessent de nous révéler des aspects tout à fait étonnants – et parfois franchement inquiétants – de nos sociétés modernes. Dans ce vaste réservoir de tendances, la dernière en date, qui n’est rien de moins qu’effrayante, est le « looksmaxxing ». C’est un terme qui, derrière sa jovialité un peu geek, cache une réalité bien plus sombre.
Mais de quoi s’agit-il exactement ? Avant d’entrer dans le vif du sujet, permettez-moi un instant de diversion. Figurez-vous que le looksmaxxing invite les adolescents et jeunes adultes à prendre un marteau. Non, non, pas pour bricoler, ni pour construire des maisons à des oiseaux affamés. Non, mes chers lecteurs, ces marteaux sont destinés à être appliqués directement sur leur propre visage.
Et le but ? Masculiniser leur apparence. Autrement dit, à redéfinir leur visage dans les termes étroits et durs des normes esthétiques masculines modernes. Pousser le nez, soulever le menton, élargir les mâchoires… Une pratique douloureuse, dangereuse, et à la limite de l’absurde.
Et pour compléter ce doux tableau, un régime alimentaire drastique est proposé. Qui a besoin de la Fontaine de Jouvence quand on peut simplement se priver de tout aliment réjouissant le palais pour « sculpter » un corps d’Adonis ?
Là où le bât blesse, c’est que cette tendance est intimement liée au mouvement masculiniste incel, qui, sous le prétexte de lutter pour les droits des hommes, véhicule une vision rétrograde et toxique des relations hommes-femmes. Comme si, au fond, la masculinité devait se limiter à ressembler à une caricature mal taillée de James Bond.
La porte est grande ouverte à une myriade de troubles de l’image de soi, d’angoisses et de problèmes de santé, non seulement physiques mais aussi mentaux. Mais cela semble un maigre prix à payer pour certains, dans leur quête désespérée de correspondre à un idéal masculin qui, bien souvent, n’existe que dans leur tête – ou sur un fil Instagram.
Pauvres jeunes hommes qui se laissent entraîner dans cela, sans réaliser que l’estime de soi ne se forge pas à coups de marteau, mais dans l’acceptation de soi, dans la reconnaissance de sa valeur intrinsèque, tandis que le respect d’autrui n’est pas une question de mâchoire carrée mais plutôt de carrure morale.
N’est-il pas temps de dire stop à cette normalisation de la souffrance et de la mutilation au nom d’une soi-disant beauté masculine? Doit-on rappeler que nous sommes plus que nos apparences?
Alors, la prochaine fois que vous verrez un marteau, pensez à tout ce qu’il peut construire. Une étagère, une cabane dans un arbre, un pont… Et n’oubliez pas qu’il peut aussi détruire.
